Partir explorer le monde, c’est un peu partir s’explorer soi-même pour en sortir quelque chose de plus grand. Je reviens de plusieurs semaines passées au Sénégal et en Côte d’Ivoire et les rencontres que j’ai faites ont été riches en inspiration, en émotion et en enseignement, pas seulement pour mon projet mais aussi et surtout pour moi-même.
Se jeter à l’eau : oser s’ouvrir aux autres
Même si j’adore partager, échanger et que j’ose parfois rêver avec les gens que je rencontre, je dois vous faire une confidence. J’étais quelqu’un d’extrêmement timide avant, genre limite maladif. Alors si j’ai déjà parcouru un certain chemin pour dompter cette timidité, il en reste encore des séquelles. D’où, parfois, la difficulté d’aller vers les autres. Partir de longs mois toute seule était un challenge en tant que tel et rallier les gens à mon projet en était un autre.
Partir seul, c’est une opportunité unique de rencontres et d’échanges culturels foisonnants. On est beaucoup plus ouvert à la rencontre, ou du moins plus en demande car on a besoin de tisser de nouveaux liens affectifs et sociaux. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne partagera pas si on est plusieurs mais le fait d’être tout seul amplifie l’envie et donne aux échanges inévitablement une autre saveur, permet un autre regard, d’autres interactions.
Aller à la rencontre des gens, c’est à la fois simple et délicat. En général, cela se fait naturellement. Mais là, quand il est question de provoquer des rencontres dans le cadre d’un projet, ce n’est pas la même démarche. Et pour moi, ce n’est pas inné. C’est à la fois très stimulant, mais c’est aussi assez déstabilisant car il faut être capable d’embarquer les gens dans son rêve.
Bizarrement, par un mystérieux éclat, la magie opère.
Je me suis sentie portée par quelque chose de plus grand, quelque chose qui m’a sortie hors de mon cadre habituel et même hors de mon corps. Alors je me suis jetée à l’eau, naturellement, malgré l’appréhension. Je dois avouer que j’ai de moins en moins peur d’aller vers les autres et que j’y prends même peut-être goût. Les échanges sont si stimulants que le jeu en vaut la chandelle.
En fait, se faire violence rime avec se faire confiance. Ce n’est que comme cela que l’on peut aller de l’avant étape par étape, pas après pas. Ce n’est pas une course et il n’y a pas de petite victoire sur soi. S’il y a quelque chose que je retiens de ma première étape de voyage, c’est qu’il faut s’émanciper de cette peur injustifiée, de ce juge intérieur qui nous empêche de nous envoler, par protection mais aussi par confort. Et pour avancer, il faut savoir bousculer ses habitudes, bouleverser son confort. Le voyage est un très bon prétexte pour déconstruire ses habitudes et sortir de sa zone.
Sortir de sa zone de confort : entre questionnement et dépassement de soi
Partir seul n’est jamais simple mais au combien constructif et salvateur. Quand on voyage au fil de l’eau, il y a souvent des imprévus, des contre-temps. Cela oblige à une certaine souplesse, à une certaine débrouillardise. Cela amène à relativiser beaucoup de choses et à mieux faire face à l’adversité.
Tout voyage appelle (ou devrait appeler) à une remise en question, une ouverture d’esprit : découvrir sans jugement de valeur… comprendre, apprendre des autres.
Quand on part seul, on est encore plus en proie à l’introspection et au dépassement de soi. La solitude, en elle-même, a quelque chose de salutaire. Elle nous contraint à une sorte de retraite, d’arrêt sur notre vie… à prendre enfin le temps de renouer avec soi, de se questionner.
Il y a des moments durs, je ne vous le cache pas. Et la tristesse nous guette de temps à autre. Puis, il y a surtout des moments où l’on se sent terriblement inutile, où l’on a l’impression qu’on ne sert pas à grand chose avec son petit projet sorti de nulle part, que l’on pourrait faire autrement, que l’on pourrait faire bien plus.
Parfois, on touche à une réalité tellement différente, à des conditions de vie complètement opposées de celles que l’on connaît. J’ai passé une semaine dans le village de Sogalé, près de Danané, à l’ouest de la Côte d’Ivoire. J’étais en immersion totale. Une expérience très intense et très dure en émotion. Le fait de ne pas pouvoir partager avec un autre étranger rend l’expérience encore plus profonde et je me suis retrouvée confrontée à un choc culturel énorme à la fois dans la façon de vivre mais aussi dans la façon de penser. J’ai pris une vraie claque !
J’ai vu de la pauvreté, la labeur et le courage des villageois mais j’ai aussi et surtout vu l’entraide, la solidarité, les sourires, les rires. J’étais face à des personnes qui n’ont pas grand chose, qui travaillent dur dans des conditions parfois extrêmes et pourtant, ils avaient toujours le mot pour rire, toujours cette tendresse et cette bienveillance à mon égard. Ils font preuve d’une simplicité et d’une relativité très nobles. Il y avait là quelque chose de très paradoxal, de bouleversant, de déconcertant… Cela oblige à questionner le bonheur et à remettre en cause une vision très matérialiste de penser, une façon très mercantile de consommer.
C’est parfois difficile de trouver sa place, d’avoir la juste attitude. Alors oui, je me suis sentie parfois vraiment inutile et en même temps, défendre un monde plus égalitaire, soutenir un village, s’ouvrir et s’intéresser aux personnes rencontrées, je me dis que c’est déjà un début mais que pour changer les choses en profondeur, c’est tout un monde qu’il faut repenser.
Aller au bout du monde pour avoir une meilleure compréhension du monde et une meilleure compréhension de soi, toucher ses limites et tenter de les dompter pour devenir une meilleure personne, c’est aussi ça MétamorFaiseurs.