Madagascar, un des pays les plus pauvres au monde alors qu’il est l’un des plus riches en termes de faune et de flore. Une richesse si mal redistribuée et partagée. Comment arriver à rééquilibrer les choses ? L’éducation joue inévitablement un rôle crucial avec ses différents visages.

Il est tout d’abord question de l’acquisition des savoirs élémentaires puis des compétences techniques spécialisées dans un monde de plus en plus régie par l’informatique avec en filigrane bien sûr la question de l’émancipation, de l’autonomisation de l’individu et plus largement de la population.

Les Faiseur.se.s que j’ai rencontré.e.s m’ont également fait prendre conscience d’une autre réalité qui touche plus à l’éducation populaire et à l’émergence de valeurs citoyennes, communautaires, indispensables au bon fonctionnement de la société et pour redonner confiance. Il s’agit en fait de l’empowerment des jeunes (et des moins jeunes), de l’entrepreneuriat de soi mais également au service du bien commun pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux contemporains.

Former et non formater

L’émancipation par l’alphabétisation

AlphabétisationL’alphabétisation est un socle préliminaire, une condition nécessaire à l’autonomie de toute personne, à la réalisation de ses projets, qu’ils soient d’ordre personnel, familial, professionnel ou autre. C’est un prérequis à l’intégration dans nombreuses sociétés et une condition sine qua non à l’émancipation des hommes et des femmes dans ces mêmes sociétés.

C’est pourquoi Teach For Madagascar tente de réduire l’illettrisme et vise à l’autonomisation et l’empowerment des enfants et des jeunes. L’éducation est le plus bel héritage qui puisse être donné aux jeunes pour leur vie future. L’association travaille en parallèle sur quatre projets principaux :  le projet de la rue, le projet EPP (écoles primaires et publiques), le projet lycées et projet d’échange pour les filles. Ainsi, ils tentent de combler les différents besoins en termes d’instruction.

Teach For Madagascar s’appuie sur un réseaux de jeunes étudiants et jeunes adultes bénévoles. Ces derniers sont amenés à donner de leur temps et à former les plus jeunes dans des échanges de solidarité et de partage intergénérationnels. Il y a là un double empowerment visé : à la fois celui des bénévoles qui s’impliquent dans la démarche éducative pour leur communauté et celui des élèves qui sont formés. Koloina Andriambolason que j’ai eu la chance de rencontrer est un très bel exemple de cet engagement de la jeunesse pour la jeunesse.

1,2,3… je code & décode la société

Coderdojo« Rencontrer, Partager, Apprendre », cette devise anime les équipes de CoderDojo et de CoderBus à Madagascar qui vulgarisent l’apprentissage de la programmation informatique aux enfants grâce notamment à des outils comme Scratch. Là aussi, ce sont bien souvent des étudiants ou des jeunes actifs qui s’impliquent bénévolement pour l’avenir de leur pays.

Les cours sont donnés dans des classes ou dans des bus avec à la fois cette volonté de former une jeunesse de demain adaptée au réalité du marché international mais aussi de réduire les inégalités à l’intérieur du pays. Grâce à leur dispositif de bus/école, ils peuvent aller dans des zones plus isolées et toucher un maximum d’enfants. Soucieux de l’égalité femmes/hommes, ces deux organisations accordent une importance particulière à l’apprentissage du code par les filles et mènent des campagnes de sensibilisation à cet égard.

L’objectif derrière est non seulement de former des futur.e.s professionnel.le.s capables de coder mais surtout de former des citoyen.ne.s capables de décoder la société et de hacker leur propre avenir dans une société plus égalitaire.

Grandir, faire grandir

Empowerment social

Green n KoolDurant mon séjour j’ai rencontré deux initiatives intéressantes dans le domaine de l’empowerment et de l’innovation sociale avec pour objectifs : éduquer et changer les mentalités.

Incubons est un incubateur, accélérateur spécialisé dans l’entrepreneuriat social à Madagascar. Ils accompagnent dix entreprises sociales par an, dans des domaines très variés tels que la lutte contre le gaspillage alimentaire (Manzer Partazer), l’art engagé (Rangotra), l’artisanat innovant (le Zoma Concept Store et son Atelier du Zoma ou encore Sameva&So avec ses « lambags »), la cosmétique naturelle (Tohan), l’alimentation durable avec les superfood spiruline et moringa (Equitalgue et Moringa Wave)…

Autant d’entrepreneur.e.s qui s’engagent pour un futur durable. J’y a fait de très belles rencontres humaines et je soulignerai particulièrement celle de  Malaika, co-fondatrice d’Incubons, qui m’a accueillie à bras ouvert, conseillée et fait découvrir de très beaux projets et de très belles personnes. Malaika est également impliquée pour la cause féministe malgache. Elle mène actuellement un combat contre le harcèlement de rue qui est à la fois tabou, banalisé et omniprésent. A l’heure où les #metoo envahissent les médias, quelle résonance possible pour Madagascar ? Et comment faire changer les mentalités des hommes mais aussi des femmes ?

J’ai également découvert Green n Kool, qui a une partie de ses activités à Tana et l’autre à Nosy Be. Pour ma part, j’ai passé plusieurs jours au centre de Nosy Be où j’ai pu être en contact avec une équipe de jeunes qui se mobilisent pour sensibiliser sur les questions de recyclage et plus largement de développement durable. De nombreux ateliers sont mis en place pour impliquer les jeunes et les former à de nouvelles pratiques. Le but est d’éveiller leur conscience environnementale et sociétale mais aussi de leur proposer un autre terrain d’expression que la rue.

Médication artistique

CaylahAndré Maurois le disait « L’art est un effort pour créer, à côté du monde réel, un monde plus humain. » L’art dépeint, en effet, une situation idéalisée, sublimée, fantasmée. L’art sert à inspirer, à émouvoir, à transporter mais il sert aussi à sensibiliser, à dénoncer et à engager.

C’est ce que fait Caylah par le biais de ses slams. Cette artiste dénonce les dérives de la société malgache. Elle use de sa voix pour montrer la voie. A travers ses slams, elle invite à agir et à prendre part à l’action. Elle utilise l’écriture comme le meilleur remède pour guérir. Guérir à la fois les gros maux d’une société déracinée mais également ses propres fêlures. Avec son concept de « Slamothérapie », lors d’ateliers, elle aide les jeunes les plus marginalisés à mettre des mots sur les maux et à se reconstruire.

L’art  sert à éveiller les consciences, faire réfléchir, amener à agir mais il peut également former, donner du sens, redonner confiance et de l’espoir à des personnes qui n’en ont plus. L’art leur ouvre ainsi de nouvelles perspectives et le champ des possibles devient alors infini.

La troupe de cirque Aléa des possibles, l’a bien compris. Elle prône l’intégration par l’art, grâce à la transmission et la formation interculturelle, interdisciplinaire et se dote d’une mission sociétale inouïe. Elle aide plusieurs jeunes à se découvrir des passions et à se réaliser.

Dans un pays où la pauvreté est autant violente, la jeunesse en est la première victime, une jeunesse sacrifiée. Et comme le disait Caylah « Madagascar c’est un pays jeune, Madagascar, c’est la jeunesse, c’est une jeunesse qui a besoin qu’on les entende, qu’on leur tende la main, qu’on investisse en eux ». L’éducation est capitale que ce soit dans l’enseignement des savoirs de base, des savoirs plus techniques que dans l’accompagnement, l’empowerment des jeunes et dans la confiance qu’on leur permet d’avoir d’eux-mêmes et plus généralement en la communauté.

La pensée Z’Ailée que j’avais écrite à Madagascar : « Ecouter sa voix, pour trouver sa voie » peut sembler une préoccupation élitiste dans un tel contexte et pourtant elle devrait être le privilège de tous. Avoir le luxe de pouvoir s’écouter et de pouvoir se réaliser. On est encore loin en dépit des nombreuses initiatives qui investissent dans la jeunesse et dans l’éducation sous ces différentes facettes.